La « génération sacrifiée », un an après

Il y a plus d’un an, le 17 mars 2020, la France entière s’est retrouvée confinée pour la première fois afin de combattre le virus de la Covid-19. Suite à cela, le gouvernement a ordonné la fermeture des établissements d’enseignement. Les étudiants se devaient de suivre obligatoirement des cours à distance. Enquête sur une des populations les plus impactées par la crise. 

Des difficultés aggravés

Si les jeunes sont très peu exposés aux risques sanitaires du virus, ils sont frappés de plein fouet par les conséquences économiques, sociales et psychologiques de la crise sanitaire. Selon une étude OVE publiée en septembre 2020, pendant le confinement, un tiers des étudiants a déclaré avoir rencontré des difficultés financières et parmi eux un étudiant sur deux les considère plus importantes qu’habituellement. En effet, durant le confinement, près de 6 étudiants sur 10 ont vu leur activité rémunérée impacté en général dans la restauration ou les loisirs qui sont les secteurs les plus affectés par les mesures sanitaires. “Pour mon cas ça a été très difficile, les restaurants ont été fermés et vu mon contrat j’ai perdu énormément d’argent” explique Maeva, étudiante et anciennement serveuse. La pandémie de Covid-19 a provoqué à l’annulation de nombreux jobs étudiants, pour ces derniers, la perte de revenu est estimée en moyenne à 274 euros par mois. Selon l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE), ce sont aux alentours de 40% des jeunes en enseignement supérieur qui organisent leur budget autour d’une activité rémunérée. “Je ne reçois aucune aide de mes parents, je me suis débrouillée afin de pouvoir trouver un travail à côté de mes études et subvenir à mes besoins personnels » témoigne Lydia, une jeune étudiante de 23 ans en psychologie. Les étudiants qui sont aidés par leurs familles ont aussi vu leurs moyens diminuer, ces derniers ne pouvant pas continuer à assumer leurs enfants car également touchés par la crise.

La réalité est que la précarité étudiante existe en France depuis de très nombreuses années et la crise sanitaire accentue le problème. Les problématiques sont nombreuses : isolement, mal-être, précarité grandissante, fracture numérique, inégalités des conditions de vie pendant la période de confinement. De plus, le public étudiant est un public plus fragile sur de nombreux aspects : rapport aux soins, santé mentale, addiction, précarité importante. Au-delà de la crise sanitaire, la précarité étudiante s’est accentuée de part la démocratisation de l’enseignement supérieur, l’augmentation du coût de la vie et la non-augmentation, voire la diminution, des aides sociales ces dernières années sont des facteurs qui sont venus la renforcer. 

En effet, selon l’enquête “Revenu, niveau de vie et pauvreté en 2016″ de l’INSEE publiée en 2018, 20% des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté en France. La Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), la première en France, a publié des notes concernant l’impact de la crise sur les étudiants. Concernant la réussite scolaire, beaucoup d’étudiants ont rencontré des difficultés afin de suivre parfaitement les cours à distance. Les raisons sont multiples : Pas d’équipement informatique personnel, pas de forfait internet (mobile ou autre), l’augmentation des horaires de travail pour les étudiants travaillant dans des secteurs de première nécessité, pas d’espaces propices au travail lié au logement insalubre ou même la garde des frères et sœurs. De plus, concernant le bien être ou la santé mentale, la période de confinement peut venir renforcer ces différents symptômes ou bien même les déclencher. 

En effet, il y a un facteur à prendre en considération, l’isolement social pour les étudiants restés dans leur chambre universitaire. Avec en plus le non-retour au domicile familial, le décès d’un proche, la précarité ou encore la pression de la réussite dans ces conditions inédites sont des facteurs aggravants. “Moi et beaucoup de mes camarades n’avons pas eu la chance de rentrer voir nos familles, je suis donc resté dans un petit appartement pendant plus d’un mois sans voir personne, ça a été très dur” raconte Axel, étudiant de 20 ans résidant dans un appartement de Crous à l’université de Saint-Charles. Au-delà, la crise entraîne une situation économique complexe pour de nombreuses moyennes et petites entreprises. De manière générale, selon les récents chiffres du ministère du Travail, le taux de chômage des jeunes actifs s’est établi à 22,6% à la fin du premier semestre 2017. En 2019, selon une étude de l’INSEE, il aurait augmenté de 2,1 points. Le risque de voir le nombre de postes proposés sur le marché de l’emploi diminuer est fort. Ainsi, nous pouvons craindre une nouvelle augmentation du chômage chez les jeunes. La réforme de l’assurance chômage, qui devait entrer en vigueur cet été, pourrait même continuer à précariser davantage la population. 

Une enquête réalisée par l’association Co’p1, publiée le 26 avril, confirme que les femmes sont particulièrement touchées par la précarité étudiante. L’association a récupéré les réponses de 1122 étudiants, dont la moitié affirme ne pas avoir mangé à sa faim depuis le début de la rentrée universitaire. Cette association créée par six étudiants a réalisé une enquête sur cette précarité afin d’identifier les besoins les plus urgents. Si les femmes représentent 67% des bénéficiaires d’une aide alimentaire, beaucoup d’entre elles ont perdu leur job (dans le social ou la restauration) et ont des dépenses que les hommes n’ont pas. “J’ai été plusieurs fois aux distributions de denrées alimentaires au Stade Vélodrome, force est de constater que j’ai vu plus de femmes que d’hommes” a déclaré Dalenda une étudiante en difficulté. L’association distribue donc des colis alimentaires, pour pouvoir réaliser ces opérations, Co’p1 fait appel à des banques alimentaires, épiceries solidaires, à des associations et des particuliers.

L’aspect mental également touché

Au-delà de l’aspect financier, on oublie parfois que la santé mentale est tout aussi importante. L’année dernière, certains étudiants se sont dégradés psychologiquement et plusieurs d’entre eux sont tombés dans ce que l’on appelle la crise suicidaire. En effet, l’isolement, la solitude et l’ennui peuvent générer des idées suicidaires ou des affects dépressifs. Alors que l’avenir de plusieurs des étudiants est en jeu, d’après un sondage réalisé par le Figaro Étudiant, 54% d’entre eux ont déjà pensé à arrêter leurs études depuis le début de la crise sanitaire. L’étude révèle que 66% des étudiants se sont sentis abandonnés depuis le début de la crise sanitaire. 56% estiment même avoir été sacrifiés par le gouvernement. Si 58% des étudiants sondés trouvent que leurs enseignants les ont soutenus, 89% d’entre eux jugent ne pas avoir été soutenus par le gouvernement, ni par leur université (61%). 

Le Covid n’est en aucun cas l’ami des jeunes. Depuis l’apparition de ce virus, des millions de jeunes étudiants sont tombés dans l’angoisse et le mal-être comme le témoigne cette médecine généraliste “Depuis un an, j’ai constaté une forte augmentation des jeunes patients allant de 18 à 26 ans venant dans mon cabinet pour attester de leur angoisse. J’ai dirigé beaucoup d’entre eux vers des séances avec un psychologue afin de les aider au mieux dans leur problème.” explique le docteur Annie Guillard

Une étude de l’Union Départementale des Associations Familiales (UDAF) de Savoir démontre que l’impact de la crise sanitaire sur la santé des habitants touche surtout les jeunes. En effet, 53% des 18-24 ans ont été affectés par la crise sanitaire. 77% d’entre eux ont souffert de solitude lors du premier confinement. D’après l’enquête, la santé physique a également été affectée par la crise. Quel que soit l’âge, 53% des sondés disent avoir reporté des rendez-vous médicaux et 52% avoir renoncé à des consultations médicales.

Le samedi 9 janvier dernier, un jeune étudiant en master de l’Université Jean Moulin de Lyon 3 s’est jeté par la fenêtre du cinquième étage de sa résidence universitaire voulant se donner la mort. Depuis, plusieurs étudiants partout en France manifestent au sein de leur université afin de dénoncer le manque d’aide du gouvernement depuis la crise du coronavirus. A Lille par exemple, après qu’un étudiant de 24 ans s’est donné la mort le 16 avril dernier, les appels à l’aide son nombreux. Sur Twitter, des étudiants du Nord de la France ont créé le hashtag #étudiantsendétresse en hommage au jeune homme. Suite à cela, l’Université de Lille a débloqué la somme de 3 millions d’euros et la vice-présidente Sandrine Rousseau a reproché au Président de la République de ne venir en aide ni aux étudiants ni aux universités. Dans la ville, depuis le début de la crise sanitaire, le nombre de jeunes âgés de 16 à 25 qui consultent le Centre Psychiatrique d’Accueil et d’Admissions (CPAA) a doublé depuis le début passant de 15 à plus de 30% de la patientèle.

Le gouvernement a essayé d’agir au mieux

La crise du Covid-19 a fait chuter le niveau de vie des étudiants, à travers le nombre de petits boulots mis à disposition de ceux ayant besoin de ressources pour ne serait-ce que pouvoir manger et payer le loyer de leur appartement étudiant. Face à la précarité de certains étudiants en constante augmentation certaines université tel que l’Université Paris-Nanterre, cette dernière à opérer à une levée de fonds au printemps 2020 afin d’épauler leurs étudiants. 

Pour autant, le gouvernement a essayé au maximum d’aider à ce que la situation des jeunes ne s’aggrave pas. En effet, le gouvernement a lancé l’été dernier un plan plutôt ambitieux baptisé « Un jeune, une solution », pour encourager l’emploi des moins de 26 ans. Les entreprises obtiennent une prime pour toute embauche en CDI, en apprentissage ou en CDD de plus de trois mois. Dans les restaurants universitaires, il y a eu la mise en place des repas à 1 euro suivi de l’autorisation d’un jour de cours par semaine en présentiel, la hausse des aides d’urgence, l’augmentation des bourses, le gel des loyers des résidences universitaires et la possibilité de bénéficier de « chèques psy », qui permettent de consulter gratuitement un psychiatre ou un psychologue.

Depuis le 21 mai, Emmanuel Macron et l’exécutif français ont mis en place plusieurs mesures de soutien à la jeunesse. En effet, tout jeune de 18 ans aura à sa disposition une enveloppe de 300 euros destiné à l’achat de biens et services culturels. Cette somme sera disponible via une application et pourra être utilisée en billets ou abonnements cinéma, de concert, de spectacle, de musée ou même pour l’achat de livres. Un “pass sport » sera également mis en place avec une aide de 50 euros par enfant destiné aux familles percevant l’allocation de rentrée scolaire ou pour les enfants souffrant d’un handicap. Le Président de la République a également confirmé la création d’un “chèque psy” destiné aux jeunes afin d’accéder plus facilement aux soins et de pouvoir consulter un psychologue. 

Afin de toucher le maximum de jeunes, le gouvernement a adopté une stratégie plus qu’efficace. En effet, alors qu’ Emmanuel Macron avait donné une interview à Brut en décembre 2020, plusieurs autres membres du gouvernement passent par les influenceurs afin de maximiser l’effet de la communication envers les plus jeunes. Par exemple, en mars, le Premier ministre Jean Castex, avait également répondu aux questions du journaliste Samuel Étienne sur la plate-forme Twitch. Depuis novembre 2020, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a mis en place un rendez-vous hebdomadaire, en l’occurrence le dimanche soir, afin d’échanger avec des influenceurs sur Instagram.

Isaac Tighilet

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