L’OM… et c’est tout
Si Marseille peut se targuer d’être une ville de foot avec la passion que ses habitants portent à l’OM et de la culture du ballon qui y règne, la cité phocéenne peine à faire éclore une seconde structure au très haut niveau. Comment l’expliquer alors que de nombreuses grandes villes européennes possèdent au moins deux équipes au rang professionnel ?
À Marseille intra-muros, on recense 58 structures sportives reliées au football. Cela inclut l’OM qui se place évidemment en tant que club référence et le seul au niveau professionnel mais aussi les organisations de football féminin, celles de futsal et de beach soccer. Du côté des seniors, le deuxième club marseillais le mieux classé en terme de division n’est autre que… la réserve de l’OM qui évolue actuellement en N2 (quatrième division). Derrière, les clubs d’Endoume et de l’Athletico Marseille sont les seuls à jouer au niveau national, en N3 (cinquième division). Le reste des structures marseillaises sont cantonnées aux divisions régionales ou départementales.
Une culture « unitaire »
Force est de constater qu’un réel fossé existe entre l’Olympique de Marseille et les autres clubs de la ville. Cette grande différence s’explique avant tout par une explication historiquement culturelle.
Pour Alain Hayot, sociologue et ancien professeur à l’université Aix-Marseille, la cité phocéenne est avant tout unitaire. « La population vit ensemble. Sociologiquement, il n’y a pas de place pour un deuxième club. À Madrid, il y a l’Atletico qui est le club du peuple, ils sont surnommés « les matelassiers » (ndlr : « los Colchoneros ») tandis que le Real est celui de l’élite. À Milan, c’est la même chose. D’un côté, l’Inter qui prône, comme son nom l’indique, une ouverture à l’international et de l’autre, l’AC qui est le club populaire. À Marseille, malgré les disparités économiques et sociologiques, tout le monde soutient l’OM ».
Dans sa carrière d’universitaire, Alain Hayot est aussi à l’origine d’un travail sociologique sur les spectateurs qui se rendent au stade situé Boulevard Michelet. « Quand on est jeune, on va en virage. Puis à 25 ans, on va sur les côtés des virages. Quand on devient adulte, on prend son abonnement dans la tribune Ganay. Et puis si on réussit sa vie, on termine à Jean-Bouin, dans la tribune présidentielle… » affirme le sociologue. Cette représentation, quelque peu schématisée, montre bien que, peu importe l’origine sociale, un Marseillais supportera l’OM.
Dans les grandes métropoles européennes qui possèdent plusieurs clubs, on ne les supporte pas tous. À Londres, Tottenham et Arsenal sont des rivaux historiques. À Turin, on est supporter de la Juventus ou du Torino, mais pas les deux. À Marseille, l’écart de niveau entre l’OM et les autres fait que tout le monde supporte l’OM, même les joueurs amateurs qui évoluent dans un autre club. Et cela n’altère en rien la forte culture de quartier qui règne ici.
Pour Mario Albano, journaliste spécialiste de l’OM, il n’y a pas la place pour un deuxième club dans le coeur des Marseillais. « Les plus petits clubs ici n’ont pas de public car tout le monde est pour l’OM et même quand Istres était en Ligue 1, les gens de là-bas étaient en majorité pour l’OM. C’est un club qui vampirise tout ».
L’OM, malsain envers ses confrères amateurs ?
Depuis son rachat par l’Américain Frank McCourt et l’arrivée de Jacques-Henri Eyraud à la tête du club, l’OM a mené une politique de partenariat avec de nombreuses structures amateures de la banlieue marseillaise. Appelé « OM Next Generation », ce projet, signé par une vingtaines de clubs environnant, consiste à ce que les meilleurs jeunes de la ville aient un accès direct à l’OM. Si l’un d’eux est performant dans son club, celui-ci peut proposer son joueur au centre de formation olympien. En échange, les clubs amateurs reçoivent de l’aide matérielle mais aussi financière.
Parfois décrié, ce projet a notamment été lâché en cours de route par le Burel FC et par l’USM Endoume Catalans. Le club burélois aurait reproché à l’OM l’utilisation de méthodes non convenues dans le contrat d’origine. Cela pose plusieurs interrogations sur le véritable intérêt de ce partenariat et la réelle réciprocité des bénéfices. Avec ce projet, l’OM s’assure d’avoir, dès leur plus jeune âge, les meilleurs talents de la région mais empêche les clubs amateurs de se développer sportivement.
Mario Albano a un avis bien tranché sur ce projet. « C’est avant tout démagogique. Ça a toujours été le discours des nouveaux dirigeants, Tapie l’a aussi eu. C’est surtout pour plaire aux gens d’ici, leur donner l’impression qu’ils s’occupent d’eux mais ce n’est pas vrai ».
Des infrastructures pas au niveau
Si le Stade Vélodrome est un véritable bijou en terme d’architecture, les stades municipaux de la ville ne sont pas suffisamment développés pour répondre aux normes du haut niveau. À Marseille, aucun autre stade n’est homologué par la Fédération française de football.
Le stade Delort, situé juste à côté du Vélodrome, pourrait être une bonne alternative pour y faire évoluer une seconde équipe de haut niveau mais l’enceinte ne convient pas pour une raison assez cocasse : les dimensions du terrain. Celui-ci fait 105 mètres de longueur pour 63 mètres de largeur alors que les dimensions requises sont de 105 mètres par 68 mètres…
Pour Alain Pécheral, auteur du livre « La Grande Histoire de l’OM », il n’existe actuellement qu’une seule solution. « On pourrait dire, si besoin était, qu’un deuxième club partage le Vélodrome avec l’OM. Ça se fait dans d’autres villes, comme à Milan où les deux équipes partagent San Siro, à Rome où elles partagent le stade olympique. Il y a un manque de stades intermédiaires à Marseille, entre le niveau amateur et le niveau professionnel, ayant des tribunes mais sans aller jusqu’à la grandeur du Stade Vélodrome ».
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Consolat, l’espoir déchu
Lors des saisons 2015-2016 et 2016-2017, l’équipe de Marseille Consolat (devenu Athletico Marseille depuis) était en National. L’équipe menée par Nicolas Usaï a joué la montée à deux reprises et est passée tout proche de connaître l’élite. Pour la première fois de l’histoire, deux clubs marseillais auraient eu le statut professionnel simultanément.
Mais pour Jérémy Tordjman, journaliste en charge du football amateur à la Provence, Consolat s’est peut-être vu un peu trop beau trop tôt. « Les dirigeants s’étaient trop éparpillés à préparer une montée, en réfléchissant à savoir où ils allaient jouer s’ils passaient en Ligue 2, comment leur budget serait réparti, ce qu’ils allaient faire avec les partenaires… avant même d’avoir validé leur accession ».
D’ailleurs, à l’époque, des théories suspicieuses régnaient autour du club selon lesquelles le club aurait finalement fait exprès de ne pas monter en Ligue 2 pour ne pas recréer un deuxième épisode Luzenac. Les dirigeants n’ayant pas réussi à avoir un stade aux normes à temps, ni à convaincre les élus de les accepter au Stade Vélodrome à un prix raisonnable, rester au niveau amateur leur permet de s’éviter toutes ces obligations liées au niveau professionnel mais aussi de ne pas passer au crible de la DNCG.
Depuis, la structure amateur a été rétrogradée deux fois à des divisions inférieures pour des irrégularités financières. Si Consolat avait de lourds espoirs de passer pro, cette ambition a désormais totalement disparu dans les rangs d’une équipe qui a profondément changé d’identité. Sur son site internet, l’Athletico Marseille se veut aujourd’hui représentatif de toute une ville et pas uniquement d’un quartier. Plusieurs personnalités de la cité phocéenne sont mises à l’honneur telles qu’Akhenaton, Soprano, Titoff, Bengous ou encore Souleymane Diawara dans une vidéo promotionnelle. Dans celle-ci, on y retrouve également un projet de stade futuriste qui pourrait permettre au club de passer un cap en terme d’infrastructures.
Là encore, Jérémy Tordjman ne semble pas emballé avec ce nouveau projet. « C’est bidon. Ils ont perdu leur identité en devenant Athletico Marseille, le projet de stade n’a même pas été validé par la mairie. Il leur faudrait au moins deux ans pour accéder en National et encore, ils n’en ont peut-être pas le niveau » conclut le journaliste.
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Alexandre Lejeune