Marseille – Paris le match est aussi en dehors des terrains.
Appelé le classique du championnat français, le rencontre opposant l’OM au PSG a connu des confrontations épiques qui ont marqué le football français. Et même si les dernières années, depuis l’arrivée des qataris, le club de la capitale domine les débats sur le terrain, un autre match se joue autour des gradins, de l’intérêt et de l’engouement pour le football des deux villes. Marseille est une ville de foot, pas Paris. Qu’en est-il réellement ? Le coup d’envoi est donné.
Un match dans le match
Si la rivalité entre les deux clubs a avant tout été volontairement montée de toutes pièces par les dirigeants du PSG et de l’OM. Néanmoins cette dernière a permis de faire resurgir un antagonisme entre la capitale et la deuxième ville de France. Outre le match de football, Paris et Marseille se confrontent pour des raisons géographiques, culturelles et sociologiques. Cette affiche, c’est aussi le Sud, contre le Nord, la province contre la capitale.
« Il y a une culture dans la ville à construire. Paris, ça n’a jamais été exactement la ville du foot. C’est toujours Marseille », a déclaré Leonardo le directeur sportif du PSG.
Le sportif en premier lieu
Dans l’histoire des OM/PSG, les deux équipes se sont affrontées à 82 reprises. Et si l’impression des dernières années pourrait donner un avantage au club de la capitale, quand on regarde dans l’ensemble, les deux clubs sont à quasi égalité parfaite pour les rencontres jouées en championnat. 32 victoires pour les Olympiens contre 31 pour les Parisiens et 19 matchs nuls. Si l’on rajoute les matchs d’autres compétitions, petit avantage pour la capitale.
En ce qui concerne le palmarès des deux clubs, l’OM compte 27 titres (28 si l’on compte le titre de champion de France 1993 retiré suite à l’affaire OM-VA), tandis que le PSG en compte 43. Le ratio titre/an plaide en faveur de l’équipe de la capitale qui a été créé en 1970 et qui compte 0,86 titre par an soit un titre tous les deux ans au minimum. L’équipe de la cité phocéenne après 121 ans d’histoire ne possède qu’un ratio de 0,22 titres par an soit un titre tous les cinq ans. Néanmoins, l’OM possède le plus prestigieux des trophées avec la Ligue des Champions en 1993.
Un club à chaque coin de rue
Selon le site de la Fédération Française de Football, ils sont 98 clubs à être localisé à Paris intra-muros : Viking Club, Dentistes de Paris, Amicale Mauriciens, Paris Arc en ciel FC. Au coeur de la citée phocéenne, ils sont 58 : l’US Cheminots Grande Bastide, Marseille Beach Team, FC Algérien. Mais une fois rapportée à leurs populations respectives (2,15 millions pour la capitale contre 0,87 million à Marseille), la densité de clubs est plus importante à Marseille. Le constat est le même pour les licenciés : la ville de Marseille en recense 12 000 ce qui représente 1,37 % de sa population, alors que le nouveau district de football de Paris en revendique certes 25 000 soit le double mais cela représente 1,16 % de sa population.
Tout pour pratiquer le football
Marseille, plus qu’un stade. À l’ombre du Parc des Princes et de l’Orange Vélodrome, le nombre d’équipements permettant la pratique du foot montre un grand déséquilibre entre les deux villes en faveur de Marseille. La cité phocéenne en recense 121 quand Paris en compterait 78, selon le site Gralon, pour une population pourtant 2,5 fois supérieure.
Le Parc fait le plein
Depuis qu’il est attractif sur le terrain de par le casting, les résultats et la plupart du temps le jeu, le PSG attire les foules et remplit le Parc des Princes. Il est très loin désormais le temps où le public parisien venait selon le pedigree de l’adversaire et parfois les places s’arrachent à prix d’or.
Avant les huis clos et jauges réduites liés au Covid, le PSG affichait, en 2018-2019 selon la LFP, un taux de remplissage de 97,9 % contre 76,4 % pour l’OM (10e de L1dans cette catégorie). En 2017-2018 (98 %/69 %) et 2016-2017 (99 %/72 %), le rapport de force était le même. Cependant, les records d’affluence sur un seul et même match sont détenus par le Stade Vélodrome. De plus, que dire des tifos préparés par les supporteurs les soir de grand match comme en avril 2015 lors de la réception de Paris justement.
l’union fait la force
L’autre particularité également de la ville de Marseille est qu’elle ne présente qu’un seul club au niveau professionnel, tandis que Paris en compte deux voire trois avec le Red Star. Si à première vue cela indiquerait que le football se développe mieux dans la capitale, en regardant de plus près on se rend vite compte que cela n’a rien à voir. En effet, si le club olympien est le seul de la ville à ce niveau, c’est parce qu’il n’y a pas la place pour un second club. Tous les marseillais se reconnaissent à travers l’OM. « L’identité du club, c’est qu’il est le club de la ville et pas seulement le club d’une certaine catégorie de personne comme on peut le voir dans d’autres grandes villes européennes. C’est le cas à Milan par exemple où il y a le club du peuple l’Inter et le club de la bourgeoisie, le Milan AC. Ici l’OM c’est tout le monde », affirme le sociologue Alain Hayot.
Vecteur d’identité locale
Si l’OM fait autant parler, c’est parce qu’il est au centre des sujets de discussion au quotidien. À Marseille, il ne se passe pas un jour sans qu’on ne parle de l’équipe et des résultats. Le club est au coeur des préoccupations. De plus, aujourd’hui l’Olympique de Marseille est un marqueur identitaire de la ville. Quand on demande aux gens d’évoquer la ville, le club olympien arrive en première ou deuxième position derrière Notre-Dame de la Garde. Tandis qu’à Paris, le PSG n’est qu’une ombre, une esquisse face à la Tour Eiffel, les Champs Élysées, etc.
« À Paris, la première questions qui nous vient en tête le matin, et les premiers sujets de discussion avec les collègues et amis concernent la météo. À Marseille, si tu ne parles pas de l’OM d’entrée, on sait que tu n’es pas marseillais. », s’amuse Michel Henry, journaliste à Libération et auteur du livre « Massilia foot system »
Paris terre de pros
Lors de la saison 2018-2019, sur les 517 joueurs évoluant en L1, 27 étaient nés à Paris intra-muros, 6 seulement à Marseille (autant qu’à Lyon, moins qu’à Montpellier, 7). Même rapporté à la population des deux villes, Paris devance largement Marseille. En élargissant au département, les Bouches-du-Rhône (13 joueurs) n’égaleraient pas Paris. Cependant tout comme cela était le cas pour le titre. La ville phocéenne peut sans doute se vanter d’avoir sorti de ses rues l’un des meilleurs si ce n’est le meilleur joueur français de tous les temps, Zinédine Zidane.
L’OM porte d’entrée à la mairie
Lors des dernières élections municipales, les Marseillais et les Parisiens ont eu le choix de porter leurs suffrages sur un ancien joueur de leur club. Mais ni Mamadou Niang, ancien capitaine de l’OM, aux côtés d’Yvon Berland (LREM), ni l’ancien du PSG Vikash Dhorasoo, à la tête d’une liste, France Insoumise, n’ont été élus. Cependant du côté de la cité phocéenne, l’OM a une grande importance dans les bureaux de la mairie.
Pour preuve, Eric Di Meco champion d’Europe en 1993 est devenu conseiller municipal à Marseille dès 1995, avant de devenir adjoint de Jean-Claude Gaudin (2001 à 2007), lui-même président de l’OM post-Tapie (juin 1995-décembre 1996, avec Jean-Michel Roussier). De plus, pour accéder à la mairie, le directeur de cabinet de Jean-Claude Gaudin conseillait au futur maire d’aller au stade le plus souvent possible. Comme l’a souligné Jean Louis Pacull dans un article du Parisien datant de 2001 « si l’OM ne fait pas ici gagner les élections, afficher son désintérêt pour l’équipe marseillaise reste sans doute un bon moyen de perdre la mairie. »
Au coeur de la ville
Le 27 janvier dernier, la ville de Marseille honorait le meilleur buteur de l’histoire de l’OM (194 buts) en baptisant l’esplanade Gunnar-Andersson, devant l’Orange Vélodrome, à côté de la place Mario-Zatelli, attaquant puis entraîneur du club. À Paris, la rue Abel ne célèbre pas le défenseur brésilien (1979-1981) bien au contraire puisqu’il s’agit ici de Niels Henrik Abel, mathématicien norvégien. Enfin la rue Saint-Dominique ne commémore ni Baratelli, ni Bathenay, ni Rocheteau.
Antoine Baret