Sida : en pleine pandémie, les plus précaires sont les plus touchés

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Ces derniers mois, les personnes séropositives au sida ont subi la crise sanitaire plus que les autres. Entre difficulté d’accès aux soins et isolement, les populations les plus précaires ont vu leur quotidien changer.

Tout comme les autres maladies, le sida impacte plus largement les personnes en situation précaire que celles qui ont une situation assez stable. La pandémie de covid-19 a montré encore une fois que les plus démunis subissent des changements auxquels il est beaucoup plus dur de faire face. Cela concerne notamment, parmi les séropositifs, les personnes sans domicile fixe, les migrants et les travailleurs du sexe. “Avec les multiples confinements, la possibilité d’avoir un travail au noir qui permet tout juste de s’alimenter s’est réduite”, confie Marjorie Mailland, du Réseau Santé Marseille. Ces personnes qui “déjà n’avaient pas grand chose” se sont retrouvés face à des difficultés extrêmes.

Friederike Spernol, de l’association Sol En Si, affirme une multiplication par deux des demandes lors des collectes alimentaires et vestimentaires depuis le début de la crise, et ce n’est pas tout. Marjorie Mailland fait sonner l’alarme : pour les mois à venir, peu d’aides sont prévues et vont manquer à l’appel. “En 2021 il n’y a presque plus rien de créé. Less aides ne vont bientôt plus subvenir au besoin des séropositifs précaires, surtout au niveau alimentaire et de l’habitat”. De plus, la trêve hivernale prend fin le 31 mai prochain. Ainsi, si elle est satisfaite de tous les protocoles d’urgence pour l’accompagnement des personnes précaires au début de la pandémie, la suite s’annonce plus compliquée. Comme si la pandémie s’arrêtait d’un coup et qu’elle n’avait aucune conséquence. 

Précarité vs traitements du sida

Les personnes concernées, notamment celles qui viennent d’Afrique, auront pourtant besoin d’aides à l’alimentation et à l’habitat. Ce dernier point est d’autant plus complexe que la crise sanitaire a perturbé le fonctionnement des services publics, fermés durant le premier confinement. “La dématérialisation des démarches officielles éloignent les personnes qui ne maîtrisent ou ne possèdent pas d’appareils numériques”, explique Marjorie Mailland. Elle insiste : “C’est inquiétant pour la suite. Il y a des personnes qui ne rentrent pas dans les circuits d’aide sociale, notamment les migrants”.

D’ailleurs, Friederike Spernol appuie ce dernier point. Elle déclare que des personnes séropositives qu’elle accompagne attendent la demande d’asile depuis trois ans. Cela crée un frein à leur prise en charge au quotidien. “Lorsqu’on prend un traitement, certains médicaments nécessitent d’être pris en mangeant. Pour cela, il faut déjà avoir un accès fixe et régulier à un repas complet pour prendre ses cachets”. Friederike Spernol ajoute d’ailleurs que, lorsqu’on vit dans la rue, il s’ajoute une honte maladive liée à la promiscuité qui empêche d’être à l’aise pour les prendre. Si aujourd’hui le sida est contenu en France, c’est justement grâce à ce traitement. Et rater des prises entraîne le “yoyo” de la charge virale.

Baisse des tests sida en France, stabilité à Marseille

Le bilan de dépistage est assez stable sur la métropole Aix-Marseille.
Le bilan de dépistage est assez stable sur la métropole Aix-Marseille. (Crédit @pexels)

En France, ce sont 646 827 tests en moins réalisés en 2020 par rapport à l’année précédente, selon le comité de Coordination de la lutte contre les infections sexuellement transmissibles, et le virus de l’immunodéficience humaine (COREVIH). Si l’impact est fort à l’échelle du territoire national, il est presque inexistant sur la métropole Aix-Marseille. En effet, tous les centres de dépistage ont continué à accueillir du public, selon Florence Nicolai-Guerbe, coordinatrice de tous les CeGIDD de la région PACA et Corse. De même, très peu d’enfants naissent aujourd’hui en étant porteur du VIH. En revanche, les consultations dans les hôpitaux pour les personnes séropositives sont freinées par la saturation des services d’infectiologie. Or, pour bien vivre avec ce virus, il faut que la prise en charge soit faite le plus tôt possible. La prévention combinée le permet notamment, dont le dépistage fait partie.

Avec la prise du traitement dès qu’on est déclaré positif, la charge virale baisse suffisamment pour atteindre au bout de quelques semaines le stade indétectable, dans lequel on ne transmet plus le virus. Ceci est valable pour toutes les formes de transmission : les relations sexuelles, le sang, le fait d’être enceinte ou d’allaiter. 

Jeunesse mal informée

Les jeunes connaissent mal les risques du VIH.
Les jeunes connaissent mal les risques du VIH ; il s’agit pourtant d’un public à risque (@Pexels)

Les jeunes connaissent assez mal ces informations, pourtant public pourtant à risque.  Ceux-ci n’ont pas connu la crise du sida des années 1980. La prévention durant l’adolescence, période de découverte sexuelle notamment, est jugée insuffisante par Florence Nicolai-Guerbe. “Les jeunes n’ont plus peur du sida, et ont parfois des comportements à risque. Les traitements sont méconnus”. Une attitude causée par le recul de la parole autour du sida dans le cercle scolaire, médiatique et familial. “On ne parle plus assez du vih et du sida en dehors des périodes de grande campagne, comme la journée mondiale du sida le 1er décembre par exemple”. De plus, la norme préventive a grandement évolué : “Avant comme prévention on ne parlait que du préservatif. S’il reste le socle de cette prévention, il existe désormais d’autres choses comme la PrEP, que la plupart des jeunes ignorent malheureusement”.

La PrEP, Prophylaxie Pré-Exposition, est “une stratégie de prévention du VIH. Elle consiste à prendre un médicament antirétroviral de manière continue ou discontinue pour éviter d’être contaminé-e par le VIH.” (définition de sida info service). Depuis le 15 avril dernier, tout médecin peut désormais prescrire et renouveler cette ordonnance. Avant, elle était disponible uniquement à l’hôpital ou au CeGIDD. Ces avancées ont pour but de rendre plus accessible la protection face au VIH, notamment celle du public cible (personnes homosexuelles, transexuelles, nées à l’étranger). De ce fait, lorsqu’on est décelé positif très tôt après avoir été contaminé, un autre problème se pose.

« On demande au début la prise immédiate du traitement, qui a parfois quelques effets secondaires légers. Or, certains nouveaux séropositifs se demandent pourquoi prendre des médicaments contraignants alors qu’ils ne ressentent encore aucun effet lié au développement de la maladie.« 

Friederike Spernol

Travail compliqué pour les associations

Les structures d’aide et d’accueil aux personnes séropositives ont dû également faire face à quelques difficultés. Ces centres gratuits ont fait face comme tous les autres secteurs à la nécessité d’adapter leurs actions à cause de la distance sociale. Un frein à l’objectif zéro sida d’ici 2030. Les personnes de ces structures se rendaient ainsi au contact des personnes séropositives afin de leur apporter des masques notamment. Une autre crainte persistait. “Notre public cible avait une forte inquiétude des impacts du coronavirus par rapport à leur séropositivité pendant le premier confinement. Maintenant, avec plus d’informations qu’à l’époque, ils ont dans l’ensemble moins peur.”, déclare Marjorie Mailland.

Friederike Spernol remarque un mécanisme assez similaire sur les personnes contaminées qui ont connu la crise du sida en 1980. “Elles revivent le même schéma qu’à l’époque de leur contamination. C’est la même arrivée d’un nouveau virus, d’une épidémie, effrayant et surprenant. A son arrivée en France on ne sait pas comment l’endiguer, la traiter ou la prévenir. Cela rejoue le même traumatisme de l’incertitude de la part du corps médical”. L’accompagnement des personnes seules et des familles a cependant largement permis de rassurer et de se faire sentir en sécurité ces personnes. En revanche, les ateliers de groupe comme les discussions à thèmes ou les ateliers créatifs ont été limités. La société rejette pourtant souvent les séropositifs, spécialement ceux en situation de précarité. 

La sérophobie, toujours d’actualité

De plus, il existe aujourd’hui toujours un fort rejet des séropositifs, dans le milieu professionnel, personnel ou médical. Ceci est notamment dû au manque de prévention à grande échelle à ce sujet. C’est notamment pour limiter ces difficultés au maximum que sont disponibles à Sol en Si une psychologue, ainsi qu’une assistante sociale. Cette structure dispose également d’une crèche pour les familles avec au moins une personne séropositive. Elle tente cependant de mélanger les enfants avec les autres du quartier, afin de limiter l’exclusion sociale.

Le contact est déjà compliqué pour eux : le port du masque du personnel ne rassure pas un bambin et perturbe son apprentissage de la parole. Tout comme les personnes intervenant auprès du public cible, les séropositifs sont d’ailleurs les plus exposés à la pandémie de covid-19. Faire face à deux épidémies à la fois est une épreuve pour cette catégorie de personnes ; encore une fois, ce sont les plus précaires qui en paient le prix.

Par Maelle Faysse De Mulder.

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